22/01/2010

Mentor

Il n'a pas attendu 500 longues pages pour rayonner de tout son éclat, pour révéler, non sa nature divine et minervienne, mais sa voix d'homme de lettres. En apprenant hier la mort en juin dernier d'Alain Buisine, dont la voix forte pourtant portait en elle un essoufflement presque mimétique de l'objet qu'elle épuisait chez Proust, la voix de Philippe Bonnefis m'est revenue. Sans arrière goût d'ironie à la Flaubert, je dirais volontiers pour notre première rencontre : "ce fut comme une apparition". Quelque chose du geste critique m'est apparu là, dans toute sa force, sa lumière ; au pied de la lettre, des premiers mots prononcés, en empruntant à Ponge cette fois, il a ouvert "un parti pris des choses" ou des objets littéraires. Pascal Quignard use pour lui du terme "sortilège". A mon écoute aussi Philippe Bonnefis a été sortilège, de ceux qui délivrent les châteaux prisonniers de ronces infranchissables. Pas de ceux qui enserrent. De ceux qui autorisent.
Bonnefis, bonne fée pour mauvais fils ou pour bons fils ? Le moindre hommage onomastique à lui rendre, dans le sifflement final du geste sûr, de l'oeil aiguisé, du lecteur épervier en suspens d'abord avant de fondre sur sa proie, mulot caché entre les feuilles - bonne-fisss.

Mais qu'est devenue cette voix autorisée ?
Cette question-là aimerait bien plutôt les ronces.


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