"Pourquoi peindre encore aujourd'hui ? Cela a-t-il encore un sens ?"
Deux questions un peu angoissées reçues il y a quelques jours en mél comme un sujet de dissert.
"Heu, Isabel, je dois répondre en trois parties, trois sous-parties ?"
Et finalement pour être cohérent (suite à mes mots à propos de son expo) et sans prétendre à une quelconque expertise en la matière, j'ai envie de la tenter cette réponse. Mais pas en parties, sous-parties...
D'abord préciser la question : pourquoi peindre avec des pinceaux, avec de la peinture, sur une toile sans aller vers le multimédia, les installations, les performances, le numérique...
Deux points de départ peut-être :
1 - la peinture rupestre a pu se faire en soufflant dans des os.
2 - un point de naissance mythologique de la peinture serait Dibutade qui trace l'ombre de son aimé sur un mur avant qu'il n'aille mourir à la guerre.
De la moelle au contour, du substantifique au périphérique (sans valeur péjorative, sans hiérarchie), la peinture, du dessin à la couleur, traverse tout. Cette traversée doit pourtant se faire dans la presque immobilité du regardant. La peinture fixe ce cheminement sur la toile, ou le bois ou tout autre support, quand peut-être (je redis ici mon point de vue néophyte) l'approche de la performance, du multimédia, réinstalle le mouvement de la représentation et de ses questionnements. Au fond, cela ne serait peut-être pas si loin du rapport actuel à la musique tellement plus visiblement associée au déplacement. Se poser pour écouter, se poser pour regarder une image qui ne bougera que par le regard qui se posera sur elle, que par les strates qu'elle animera ou qu'elle bridera, voilà un état plus difficile à tenir.
La peinture selon moi reste un mode de représentation qui ne peut avoir épuisé sa recherche. Elle doit même être ce point de résistance de l'œil fixe et actif. La peinture propose une autre expérience du temps, immobile mouvement si loin sans doute des montages, des plans qui s'enchaînent, des installations qui sollicitent les yeux, le corps, les oreilles...
La peinture est un aplat miroir, quoi qu'il se passe sur la toile, le support, quoi qu'il y advienne. On écoute, on écrit, on lit, on touche avec ce qui nous façonne, on regarde avec ce qui nous constitue, et une toile qui me touchera, m'éveillera, sera celle aussi qui saura me faire entendre le frottement du pinceau ou de toute autre médiation, sentir le mélange de la couleur, éprouver l'énergie du geste, la tension du mouvement. J'aime ça, m'approcher de la peinture-matière, de son épaisseur ou de son glacis. Et la peinture peut alors dans des confrontations avec d'autres fromes, des continuités, des dispositifs apporter sa temporalité propre en décalage, en recalage.
La question n'est pas pour moi celle de la figuration ou de son absence et peu m'importe ce qui pourrait être tendance et qui ferait qu'un élève aux Beaux-Arts se taperait la honte en dessinant au lieu d'aller vers de nouveaux champs. Ces nouveaux champs existent, explorent ; ils m'intéressent sans que je sois pleinement au fait des recherches les plus avancées, mais ils ne réduisent en rien la nécessité de la peinture (pour moi, faut-il le redire encore).
Chaque forme pose un rapport au temps spécifique, et la peinture, avec son cadre, ses outils, ses matières, impose le sien. Si je devais répondre un peu clairement à cette question du pourquoi peindre encore aujourd'hui, ma réponse serait celle-là : pour l'espace-temps qui demande au regardant de poser ses trop faciles lunettes 3D pour tenter une autre aventure de l'œil en point de jonction de deux galaxies.
Quelque chose comme : ><
Deux questions un peu angoissées reçues il y a quelques jours en mél comme un sujet de dissert.
"Heu, Isabel, je dois répondre en trois parties, trois sous-parties ?"
Et finalement pour être cohérent (suite à mes mots à propos de son expo) et sans prétendre à une quelconque expertise en la matière, j'ai envie de la tenter cette réponse. Mais pas en parties, sous-parties...
D'abord préciser la question : pourquoi peindre avec des pinceaux, avec de la peinture, sur une toile sans aller vers le multimédia, les installations, les performances, le numérique...
Deux points de départ peut-être :
1 - la peinture rupestre a pu se faire en soufflant dans des os.
2 - un point de naissance mythologique de la peinture serait Dibutade qui trace l'ombre de son aimé sur un mur avant qu'il n'aille mourir à la guerre.
De la moelle au contour, du substantifique au périphérique (sans valeur péjorative, sans hiérarchie), la peinture, du dessin à la couleur, traverse tout. Cette traversée doit pourtant se faire dans la presque immobilité du regardant. La peinture fixe ce cheminement sur la toile, ou le bois ou tout autre support, quand peut-être (je redis ici mon point de vue néophyte) l'approche de la performance, du multimédia, réinstalle le mouvement de la représentation et de ses questionnements. Au fond, cela ne serait peut-être pas si loin du rapport actuel à la musique tellement plus visiblement associée au déplacement. Se poser pour écouter, se poser pour regarder une image qui ne bougera que par le regard qui se posera sur elle, que par les strates qu'elle animera ou qu'elle bridera, voilà un état plus difficile à tenir.
La peinture selon moi reste un mode de représentation qui ne peut avoir épuisé sa recherche. Elle doit même être ce point de résistance de l'œil fixe et actif. La peinture propose une autre expérience du temps, immobile mouvement si loin sans doute des montages, des plans qui s'enchaînent, des installations qui sollicitent les yeux, le corps, les oreilles...
La peinture est un aplat miroir, quoi qu'il se passe sur la toile, le support, quoi qu'il y advienne. On écoute, on écrit, on lit, on touche avec ce qui nous façonne, on regarde avec ce qui nous constitue, et une toile qui me touchera, m'éveillera, sera celle aussi qui saura me faire entendre le frottement du pinceau ou de toute autre médiation, sentir le mélange de la couleur, éprouver l'énergie du geste, la tension du mouvement. J'aime ça, m'approcher de la peinture-matière, de son épaisseur ou de son glacis. Et la peinture peut alors dans des confrontations avec d'autres fromes, des continuités, des dispositifs apporter sa temporalité propre en décalage, en recalage.
La question n'est pas pour moi celle de la figuration ou de son absence et peu m'importe ce qui pourrait être tendance et qui ferait qu'un élève aux Beaux-Arts se taperait la honte en dessinant au lieu d'aller vers de nouveaux champs. Ces nouveaux champs existent, explorent ; ils m'intéressent sans que je sois pleinement au fait des recherches les plus avancées, mais ils ne réduisent en rien la nécessité de la peinture (pour moi, faut-il le redire encore).
Chaque forme pose un rapport au temps spécifique, et la peinture, avec son cadre, ses outils, ses matières, impose le sien. Si je devais répondre un peu clairement à cette question du pourquoi peindre encore aujourd'hui, ma réponse serait celle-là : pour l'espace-temps qui demande au regardant de poser ses trop faciles lunettes 3D pour tenter une autre aventure de l'œil en point de jonction de deux galaxies.
Quelque chose comme : ><
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