Et pendant ce temps Rimbaud par la cheminée...
La naissance d'un personnage est toujours un moment assez marquant parce qu'il conditionne l'amorce d'une fiction. Pour moi, bien évidemment. Je me souviens du moment où j'ai décidé d'Angélique, de la poser en personnage quand son profil était au mur depuis quelques années (au moins cinq), je me souviens d'Angèle, de la première phrase surgie au volant (en voiture, si, si) "Mémère Angèle est un monstre", je me souviens de Tom (qui rejoindra les étagères des librairies en octobre), le petit Tom d'abord évincé puis "ressuscité " sous une autre forme, sous une autre enveloppe de fiction, je me souviens de celui qui n'a d'abord été qu'une voix, et qui, début 2011 normalement, rejoindra à son tour les étagères des librairies. Un roman pour les grands, grands ados, adultes, adulescents et tout ce que vous voudrez. Un roman chez Actes sud junior, encore et toujours, parce que j'y suis bien et que j'y vis un vrai chemin littéraire accompagné d'une belle équipe. Voilà, c'est dit, c'est vrai.
Ce personnage en avenir de lectures est celui dont le parcours a été le plus empreint de doutes, de questions, de débats (interne et pas démocratique), il est celui qui définitivement, je l'espère, signe la nécessité des petits meurtres littéraires. Ce personnage m'est venu, s'est cristallisé à la lecture de Boutès de Quignard. Après, il y a eu assez vite vingt, puis trente, puis quarante pages, puis quarante dans un sens, puis quarante dans l'autre, puis de longs silences d'écriture sans parvenir à trouver la solution. Quelque chose bloquait, m'empêchait. J'essayais bien de recomposer le puzzle, de faire autrement, d'aller chercher l'air vers d'autres personnages, Angèle ou Tom, mais rien. Régulièrement je revenais, j'y revenais, changeais une virgule, un adjectif ou beaucoup plus, mais...
Et puis il y a eu des rencontres de lectrices ou de lecteurs, des paroles dites sur l'émergence et l'écriture d'Angélique boxe : "C'est le premier roman que j'ai écrit détaché de mes influences littéraires, sans souci de les inscrire dans le texte, d'en faire le canevas de mon écriture. Ces influences y sont sans doute, inconscientes, mais sans désir conscient de ma part d'y faire référence." Alors à force de le dire et redire, j'ai fini par m'entendre le dire, vraiment, et par comprendre qu'au fond, et pour revenir à Dibutade du précédent message, je voulais faire entrer mon personnage nouveau et son histoire dans l'ombre dessinée sur le mur blanc de mon imaginaire, de ma phantasmagéographie littéraire.
Alors j'ai noyé Boutès, et un jour de Salon du livre, assis derrière mes deux romans à griffonner sur un carnet, le puzzle s'est délivré et j'ai trouvé le nouvel agencement. J'ai gardé mes personnages, j'ai réécrit une fois encore, j'ai gardé certains passages et surtout j'ai trouvé le meilleur allié pour toutes les mises à distance, même nourri de ce qui est mis à distance : Rimbaud. J'avais mon levier, j'avais ceci en sésame d'ouverture : "Je devins un opéra fabuleux : je vis que tous les êtres ont une fatalité de bonheur..." (Alchimie du Verbe).
Tout est là pour moi dans la vie du personnage "opéra fabuleux". Sans cela, sans cet ouvrage de la fable, sans son chant, le récit ne devient plus qu'ombre de lui-même. Rimbaud a ceci de puissant qu'il ne cesse de dire l'essentielle innutrition autant que la vitale mise à distance. La couleur chez Rimbaud (désolé d'y revenir) serait un peu de ça, de ce qui déborde de l'ombre dessinée au mur par Dibutade, de ce qui fait débat entre le trait et la couleur pour décider de la peinture.
Après ce week-end de Salon de janvier et la certitude qu'enfin je tenais l'ensemble, j'ai progressé, j'ai travaillé ma fable, mon modeste opéra, j'ai cherché l'équilibre instable d'une frontière de voix adulte-adolescente. J'ai hésité à certains croisements, à certaines fourches de l'histoire, j'ai dû retourner à la source de ma si chère et indispensable cuisine (la pièce) nantaise (cf deuxième message de ce blog : "hommage à une cuisine nantaise), j'ai été soucieux dans l'attente du "oui !" d'ASJ.
Reste à revenir au manuscrit, à prendre encore un peu de temps pour le retravailler avant de le livrer à l'impression, mais quoi qu'il en soit, si écrire est une manière de jeu d'ombres (comme tant d'autres choses d'ailleurs - il suffirait de parler des sentiments ou de la pratique sportive), il faut qu'à certains moments la couleur déborde, comme dirait Rimbaud, que ça "bave" un peu pour tenter sa propre trace.
Il est des auteurs (des maîtres) qui, je pense, peuvent être plus risqués que d'autres, qui emprisonnent plus. Pas Rimbaud, qui pousse toujours dehors, devant, dans un inconfort d'être dont il est toujours le premier expérimentateur, Sisyphe de son lourd lecteur. Quignard, lui, l'est bien plus, à la voix de sirène. Mais il est de notre choix de jouer les ulysses.
Ce personnage en avenir de lectures est celui dont le parcours a été le plus empreint de doutes, de questions, de débats (interne et pas démocratique), il est celui qui définitivement, je l'espère, signe la nécessité des petits meurtres littéraires. Ce personnage m'est venu, s'est cristallisé à la lecture de Boutès de Quignard. Après, il y a eu assez vite vingt, puis trente, puis quarante pages, puis quarante dans un sens, puis quarante dans l'autre, puis de longs silences d'écriture sans parvenir à trouver la solution. Quelque chose bloquait, m'empêchait. J'essayais bien de recomposer le puzzle, de faire autrement, d'aller chercher l'air vers d'autres personnages, Angèle ou Tom, mais rien. Régulièrement je revenais, j'y revenais, changeais une virgule, un adjectif ou beaucoup plus, mais...
Et puis il y a eu des rencontres de lectrices ou de lecteurs, des paroles dites sur l'émergence et l'écriture d'Angélique boxe : "C'est le premier roman que j'ai écrit détaché de mes influences littéraires, sans souci de les inscrire dans le texte, d'en faire le canevas de mon écriture. Ces influences y sont sans doute, inconscientes, mais sans désir conscient de ma part d'y faire référence." Alors à force de le dire et redire, j'ai fini par m'entendre le dire, vraiment, et par comprendre qu'au fond, et pour revenir à Dibutade du précédent message, je voulais faire entrer mon personnage nouveau et son histoire dans l'ombre dessinée sur le mur blanc de mon imaginaire, de ma phantasmagéographie littéraire.
Alors j'ai noyé Boutès, et un jour de Salon du livre, assis derrière mes deux romans à griffonner sur un carnet, le puzzle s'est délivré et j'ai trouvé le nouvel agencement. J'ai gardé mes personnages, j'ai réécrit une fois encore, j'ai gardé certains passages et surtout j'ai trouvé le meilleur allié pour toutes les mises à distance, même nourri de ce qui est mis à distance : Rimbaud. J'avais mon levier, j'avais ceci en sésame d'ouverture : "Je devins un opéra fabuleux : je vis que tous les êtres ont une fatalité de bonheur..." (Alchimie du Verbe).
Tout est là pour moi dans la vie du personnage "opéra fabuleux". Sans cela, sans cet ouvrage de la fable, sans son chant, le récit ne devient plus qu'ombre de lui-même. Rimbaud a ceci de puissant qu'il ne cesse de dire l'essentielle innutrition autant que la vitale mise à distance. La couleur chez Rimbaud (désolé d'y revenir) serait un peu de ça, de ce qui déborde de l'ombre dessinée au mur par Dibutade, de ce qui fait débat entre le trait et la couleur pour décider de la peinture.
Après ce week-end de Salon de janvier et la certitude qu'enfin je tenais l'ensemble, j'ai progressé, j'ai travaillé ma fable, mon modeste opéra, j'ai cherché l'équilibre instable d'une frontière de voix adulte-adolescente. J'ai hésité à certains croisements, à certaines fourches de l'histoire, j'ai dû retourner à la source de ma si chère et indispensable cuisine (la pièce) nantaise (cf deuxième message de ce blog : "hommage à une cuisine nantaise), j'ai été soucieux dans l'attente du "oui !" d'ASJ.
Reste à revenir au manuscrit, à prendre encore un peu de temps pour le retravailler avant de le livrer à l'impression, mais quoi qu'il en soit, si écrire est une manière de jeu d'ombres (comme tant d'autres choses d'ailleurs - il suffirait de parler des sentiments ou de la pratique sportive), il faut qu'à certains moments la couleur déborde, comme dirait Rimbaud, que ça "bave" un peu pour tenter sa propre trace.
Il est des auteurs (des maîtres) qui, je pense, peuvent être plus risqués que d'autres, qui emprisonnent plus. Pas Rimbaud, qui pousse toujours dehors, devant, dans un inconfort d'être dont il est toujours le premier expérimentateur, Sisyphe de son lourd lecteur. Quignard, lui, l'est bien plus, à la voix de sirène. Mais il est de notre choix de jouer les ulysses.
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